dimanche 22 octobre 2017

Apprendre à enseigner



Aujourd’hui, notre système éducatif nous place soit dans la position d’apprenant, soit dans celle d’enseignant. Les uns devant écouter les autres et enregistrer les informations délivrées. Les autres délivrant leur savoir pour qu’il soit transmis. Dans de nombreux domaines, apprendre et enseigner sont deux postures bien distinctes. En général, on apprend pendant un certain temps, jusqu’au moment où on en sait suffisamment pour arrêter d’apprendre et enseigner à notre tour. On laisse alors l’apprentissage pour se consacrer à l’enseignement. Nous sommes donc élèves ou professeurs.

Le problème est que dans ces postures, l’apprenant vient essentiellement pour recevoir, ce qui le met dans une position d’attente, voire passive. Se reposant sur « celui qui sait », tant pour obtenir la connaissance que pour la conserver intacte. En effet, le jour où l’élève ne sait plus, il n’a qu’à redemander au professeur. Il semble évident que ce système ne permettra jamais à l’élève d’atteindre un objectif qui semble pourtant essentiel : devenir autonome. Mais cet état est peut-être souhaité par l’enseignant. En effet, que deviendra ce dernier si tous ses élèves sont autonomes ?
 Quant à l’enseignant, bien que sa posture le place comme une figure centrale, voire au-dessus, « in chéra », cette position risque tôt ou tard de le freiner dans la poursuite de sa propre évolution, s’il est convaincu qu’il n’a plus besoin d’apprendre…

Dans notre École, on nous met dans une troisième posture : apprendre à enseigner. Il est indéniable que lorsque nous prenons conscience qu’un jour, ce sera à nous à montrer les postures, les mouvements et à expliquer les chemins à suivre, nous devenons plus attentifs, plus rigoureux. Nous nous devons de montrer les gestes justes, avec des repères exacts, tels qu’ils nous ont été transmis, au risque de nous perdre, autant que l’apprenant et que l’art lui-même…

Il existe plusieurs phases dans l’apprentissage : 

1)   L’incompétence inconsciente : je ne sais pas que je ne sais pas (là je suis tranquille…)
2)   L’incompétence consciente : je sais que je ne sais pas. C’est là que peut commencer l’apprentissage
3)   La compétence consciente : je sais faire et je sais comment faire. Je peux donc apprendre par quels chemins il faut passer pour atteindre mon niveau.
4)   La compétence inconsciente : je sais faire, mais j’ai tellement automatisé mon savoir-faire (ou je l’ai acquis sans avoir pu identifier les étapes de ma progression), que je ne suis pas capable de le transmettre et d’amener un apprenant à mon niveau.

Le niveau 4 aboutira à la perte du savoir et du savoir-faire, comme dans de nombreux domaines où nous avons perdu les connaissances des anciens…

Dans notre pratique martiale, nous devons nous installer dans le 3ème niveau et en cela apprendre à enseigner est sans doute l’un des meilleurs moyens pour entretenir sa rigueur personnelle, en restant dans le questionnement, tant pour maintenir la justesse de notre savoir et son cheminement pour pouvoir les transmettre dans les meilleures conditions.
Toujours dans notre pratique, ce niveau est celui recherché, sans quoi l’art sera définitivement perdu. L’avantage est qu’on reste alors autant enseignant qu’apprenant, toujours en quête d’améliorer son savoir, savoir-faire et savoir être, tant pour évoluer soi-même que pour permettre à l’autre d’évoluer…

dimanche 3 septembre 2017

Coïncidence, hasard ou autre ?



Il y a peu, et ce n’est pas la première fois, je me pose des questions précises sur ma pratique, sur les conditions, savoir-être ou savoir-faire dans lesquelles elle doit être réalisée.
Et très souvent, quelque temps après, sans en avoir parlé, mon Maître aborde mes préoccupations et propose, parfois des réponses claires, d’autres fois des pistes à explorer pour poursuivre mes recherches…
Alors coïncidence, simple hasard ou bien mon Maître entend-il mes problèmes sans que j’aie à lui verbaliser ?
Je pense qu’il voit ce qu’il manque à chacun d’entre nous et qu’il apporte la suite au fur et à mesure de notre avancement. Ou bien aborde-t-il ces thèmes de manière récurrente et un jour, nous sommes prêts à les entendre et trouvons le sens dans ces explications…
Toujours est-il que mon expérience m’incite à penser qu’un certain lien est présent entre nous et notre guide…

Soyons zen...




Dans notre recherche qui a pu nous amener à pratiquer la méditation, le Zen ou le Zazen, nous nous sommes forcément questionnés sur l’état dans lequel nous devons être pendant ce type de pratique. L’aspect corporel est en général très codifié, de sorte que tous les pratiquants se ressemblent, tout du moins dans leurs postures… Mais je m’interroge sur l’intérêt mental de cet exercice. Puisqu’on nous installe dans des postures plus ou moins confortables (au début elles sont plutôt vécues comme inconfortables, voire très inconfortables…), c’est également pour forger notre esprit et créer ce « pont » entre le corps et l’esprit. Mais forger l’un et l’autre n’est pas gage de les faire fusionner. Il faut pourtant créer un lien, une passerelle entre ces deux qui ne devraient faire qu’un. Nous avons des concepts théoriques ou des images méditatives qui nous sont proposés, mais… de par mes recherches personnelles, je ne peux que constater la non-résolution de ce point grâce à ces différentes explications ou conseils…  

Dans la pratique martiale, on sait que les Grands Maîtres ne pratiquent plus que cela, ça peut nous interpeller sur la difficulté à trouver cet état et sur la richesse qu’il peut nous apporter…

Dans notre école, on nous enseigne à faire le Zen debout, par des postures rigoureusement appliquées, dans lesquelles nous devons rechercher le maintien de la posture. Mais au-delà de la position physique, faire le zen signifie être Zen. Alors, comment imbriquer ce savoir-être dans ce savoir-faire ? On parle souvent de laisser passer nos idées ou bien de se concentrer sur un point ou encore de faire le vide. Ces notions font clairement appel à notre esprit, à notre état d’esprit.
Mais être Zen seulement au moment où on le pratique semble erroné. Pouvons-nous être Zen lorsque nous ne faisons pas le Zen ?
Sinon, ce travail n’a d’intérêt qu’à un moment ponctuel, ce qui vu la difficulté et le temps à y consacrer, serait de mon point de vue, dénué de sens et donc d’intérêt…
Si oui, que recherchons-nous vraiment à travers ce travail ? Quelle est cette façon d’être que nous devons créer dans ces postures de Zen qui, elles-mêmes nous imposent une rectitude et des contraintes physiques ?

Et si on apprenait en fait à faire les choses avec attention, précision, douceur et dignité ? Nous passerions donc d’un savoir-faire unique nécessitant un savoir être universel pouvant s’adapter pour toutes choses…
Dans ce cas, nous pouvons essayer de conserver toutes ces qualités dans les différentes tâches que nous effectuons.  Une certaine philosophie nous enseigne que les gestes les plus simples, ceux du quotidien, comme ranger un objet, laver ou balayer permettent de nettoyer notre âme. Cela signifie prendre soin du monde qui nous entoure, celui dans lequel on vit. Autant nous ordonnons l’extérieur, autant nous structurons notre intérieur. La façon d’être influence notre façon de faire autant que notre façon de faire influence notre façon d’être. Dans cette idée, le Zen permettrait donc de prendre soin autant de notre corps, de notre esprit que du monde qui nous entoure. Dans ces conditions, le Zen a un intérêt plus que bénéfique… Peut-être vital. En tout cas, il peut changer la qualité de notre vie. Alors, tous ces efforts ne sont peut-être que minimes au vu de ce que nous pouvons y gagner…

mardi 11 juillet 2017

Ici et Maintenant



Être Ici et Maintenant. 
C’est sûrement imbriquer le Futur, le Passé et le Présent dans notre corps. Mais concrètement, comment faire ? Hormis l’état de concentration qu'on doit essayer d’atteindre, que signifie ce concept ? Je peux faire état de mes réflexions sur ce sujet, mais loin de détenir la vérité, ce ne sont là que les prémices de ces concepts, qui plus est, qui sont peut-être erronés…

Ce thème est rarement abordé de plein fouet par mon Maître. Il est le plus souvent distillé petites touches par petites touches, au grès des entrainements et de certains de nos échanges. Mais nous avons eu un cadeau, puisque ce sujet a été beaucoup plus largement traité lors de notre dernier stage d’été. C’est en tout cas, un des éléments essentiels que je retiendrai de ces 4 jours d’immersion au cœur des arts martiaux internes (il n’a lieu qu’une seule fois par an et je vous le conseille fortement). 
Nous avons vu comment nous inscrire dans le présent. Dans le Maintenant. 

(Petite parenthèse : À mon avis être dans le Maintenant induit d’être dans le Ici. Bien qu’être « Ici et Maintenant » semble aborder 2 plans : spatial et temporel. Néanmoins, comment être Ici sans être Maintenant ? Et vice et versa. Mais peut-être, devons nous faire la symbiose des 2… Fermons la parenthèse.)

C’est une des conditions, je dirais même un des conditionnements indispensables pour obtenir une certaine efficacité dans notre pratique. Que ce soit seul ou bien à deux, pour tous les exercices de chikung, donc pour l’ensemble des arts martiaux internes. Il est impossible de ne pas passer par cette étape, par cet état. L’objectif étant d’être capable d’affecter quelqu’un, autre que soi-même (même s’il faut commencer par se changer soi-même pour pouvoir changer l’autre). Bien que le lien entre le physique et le spirituel soit indéniable, il nous faut des éléments tangibles, accessibles, inhérents à un travail corporel précis et codifié pour pouvoir valider ce que nous faisons.

C’est ce que nous avons reçu lors de ce stage. Comment créer physiquement cet état « présent » ? Il se situe à l’endroit, au moment, où se superposent le futur et le passé (c’est je pense pour cela qu’on parle d’ici et maintenant et non l’un sans l’autre…). Et on nous a donné les moyens de créer cet état ! La marche à suivre pour s’inscrire dans ce Présent. Il s’agit donc de posture, de rigueur posturale entrainant un état physique dont découle une sensation physique particulière et donc un état de conscience particulier. L’un entraine l’autre (encore !). Et l’ensemble nous permet sinon d’obtenir, au moins de nous diriger vers ce que nous recherchons.

À la suite de ça, je regarde une vidéo intitulée « Espace et distance » (je vous la conseille aussi…). Mon Maître propose un exercice : donner un coup de poing sur le buste de notre partenaire. Il explique que nous devons imprimer dans notre corps la sensation induite en donnant ce coup. Ensuite, nous faisons un autre mouvement de frappe qui se scinde en 2 parties. Lors de la première phase, elle ne crée pas cette sensation, puisque nous ne devons pas cogner notre partenaire. Nous devons malgré tout recréer la sensation que nous avons ressentie lors du premier exercice. Dans ces conditions, puisque nous avons imprimé cette sensation dans notre corps lors de la première partie du mouvement, nous pouvons dire que nous l’avons vécue. Et si nous l’avons vécue, alors nous ne la vivrons plus lors de la seconde partie du mouvement qui est la frappe. Vous voyez le lien entre le passé, le présent et le futur ? Comment nous pouvons imbriquer le temps dans notre corps pour nous jouer du temps lui-même …

C’est en tout cas un axe de recherche si excitant et si prometteur que nous ne pouvons que nous mettre au travail pour éprouver et corroborer ces éléments.

mercredi 7 décembre 2016

Géométrie, mais pas que...




J’ai déjà parlé de géométrie, d’axe ou d’angles, qui sont les bases des arts martiaux internes. Cette rigueur physique est indispensable à la réussite et à l’efficacité de nos mouvements. C’est un travail et une étude de longue haleine auxquels doivent se confronter tous les pratiquants recherchant la maîtrise de ces arts. Mais bien que cette recherche soit complexe, longue et minutieuse, elle ne suffit pas à atteindre le niveau que nous recherchons, à savoir, la capacité de manipuler, dominer l’autre. Ce « seul » travail technique permettra une certaine efficacité, mais seulement incertaine et pas absolue… 

Pour dépasser ce niveau « physique », il faudra passer de l’autre côté. Dans l’interne, dans la martialité, la motricité fine… Il faudra aussi être capable de maîtriser tout cet aspect des arts martiaux pour passer dans ce qui fait d’eux les arts internes : la sensibilité.

Dans notre École, tous les exercices à 2 posent cet aspect en toile de fond. Toute approche, tout contact, toute manipulation dépend de la relation que nous créons et maintenons avec l’autre. Pour cela il faut avoir une sensibilité accrue afin de ressentir s’il faut mettre plus, moins, de force, de détente, de lourdeur… s’il faut diriger vers telle ou telle direction et jusqu’où aller… L’ensemble des enchainements est aussi là pour développer chez nous cette sensibilité. 

Les arts martiaux internes s’opposent en ça avec de nombreuses pratiques martiales ou sportives : ils développent nos sensations et les affinent plutôt que de les annihiler en frappant fort, brutalement, pour « exploser » l’autre.

Notre Maître nous dit souvent qu’il faut choyer l’autre, le mettre dans un meilleur état qu’il ne l’est au départ pour qu’il se laisse faire. Nous devons lui proposer des conditions positives pour qu’il accepte d’être manipulé. Mais pour réussir cet exercice il nous faut d’abord ressentir tous ces changements, toutes ses réactions. Il faut être capable de les ressentir, de les lire et les interpréter correctement. Pour que l’autre ne s’oppose pas à nous il faut lui donner envie de faire ce qu’on attend de lui… 
C’est là la plus grande difficulté des arts martiaux internes : Donner envie à l’autre de faire ce qu’on veut qu’il fasse. C’est une manipulation de « haut vol » dont la clé est une sensibilité extrême. Ce principe rejoint les autres principes des arts martiaux internes : finesse, justesse, ouverture et prise en compte de l’autre.

Donc, en plus de respecter toute la géométrie et les contraintes physiques, il faudra être capable de développer notre sensibilité. Mais sans doute que le lien entre les deux n’est pas si éloigné qu’il peut le paraitre…