Aujourd’hui, notre système éducatif nous place soit dans
la position d’apprenant, soit dans celle d’enseignant. Les uns devant écouter
les autres et enregistrer les informations délivrées. Les autres délivrant leur
savoir pour qu’il soit transmis. Dans de nombreux domaines, apprendre et
enseigner sont deux postures bien distinctes. En général, on apprend pendant un
certain temps, jusqu’au moment où on en sait suffisamment pour arrêter d’apprendre
et enseigner à notre tour. On laisse alors l’apprentissage pour se consacrer à l’enseignement.
Nous sommes donc élèves ou professeurs.
Le problème est que dans ces postures, l’apprenant vient
essentiellement pour recevoir, ce qui le met dans une position d’attente, voire
passive. Se reposant sur « celui qui sait », tant pour obtenir la
connaissance que pour la conserver intacte. En effet, le jour où l’élève ne
sait plus, il n’a qu’à redemander au professeur. Il semble évident que ce
système ne permettra jamais à l’élève d’atteindre un objectif qui semble
pourtant essentiel : devenir autonome. Mais cet état est peut-être
souhaité par l’enseignant. En effet, que deviendra ce dernier si tous ses
élèves sont autonomes ?
Quant à l’enseignant, bien que sa posture le place comme
une figure centrale, voire au-dessus, « in chéra », cette position risque
tôt ou tard de le freiner dans la poursuite de sa propre évolution, s’il est
convaincu qu’il n’a plus besoin d’apprendre…
Dans notre École, on nous met dans une troisième
posture : apprendre à enseigner. Il est indéniable que lorsque nous
prenons conscience qu’un jour, ce sera à nous à montrer les postures, les
mouvements et à expliquer les chemins à suivre, nous devenons plus attentifs,
plus rigoureux. Nous nous devons de montrer les gestes justes, avec des repères
exacts, tels qu’ils nous ont été transmis, au risque de nous perdre, autant que
l’apprenant et que l’art lui-même…
Il existe plusieurs phases dans l’apprentissage :
1)
L’incompétence
inconsciente : je ne sais pas que je ne sais pas (là je suis tranquille…)
2)
L’incompétence
consciente : je sais que je ne sais pas. C’est là que peut commencer
l’apprentissage
3)
La compétence
consciente : je sais faire et je sais comment faire. Je peux donc
apprendre par quels chemins il faut passer pour atteindre mon niveau.
4)
La compétence
inconsciente : je sais faire, mais j’ai tellement automatisé mon savoir-faire
(ou je l’ai acquis sans avoir pu identifier les étapes de ma progression), que
je ne suis pas capable de le transmettre et d’amener un apprenant à mon niveau.
Le niveau 4 aboutira à la perte du savoir et du savoir-faire,
comme dans de nombreux domaines où nous avons perdu les connaissances des
anciens…
Dans notre pratique martiale, nous devons nous installer
dans le 3ème niveau et en cela apprendre à enseigner est sans doute
l’un des meilleurs moyens pour entretenir sa rigueur personnelle, en restant
dans le questionnement, tant pour maintenir la justesse de notre savoir et son
cheminement pour pouvoir les transmettre dans les meilleures conditions.
Toujours dans notre pratique, ce niveau est celui
recherché, sans quoi l’art sera définitivement perdu. L’avantage est qu’on
reste alors autant enseignant qu’apprenant, toujours en quête d’améliorer son
savoir, savoir-faire et savoir être, tant pour évoluer soi-même que pour
permettre à l’autre d’évoluer…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire